Prométhée (en cours)

Disposer d’une énergie abondante, propre, presque sans limites. Voilà la promesse de la fusion nucléaire. Une promesse faite au monde moderne, affamé d’électricité, inquiet de son avenir, désorienté face à la crise climatique.
On dit que la fusion est « l’énergie des étoiles » — une formule à la fois scientifique et poétique, qui convoque la puissance du cosmos, l’inaccessible, l’infini.

Ce projet photographique est né d’un vertige. Celui d’imaginer que des femmes et des hommes, aujourd’hui, tentent de reproduire sur Terre la réaction même qui fait briller le Soleil. Qu’ils cherchent à apprivoiser le cœur des étoiles. Comme Prométhée, qui vola le feu aux dieux pour l’offrir aux hommes, les scientifiques de la fusion défient les limites du possible, de la matière.

Mais comment représenter cela ? Comment donner forme à une énergie encore invisible, à une promesse technique qui tient autant du rêve que du pari ?
Pour approcher ce mystère, j’ai le sténopé.
Une boîte, un trou, du papier sensible. Pas d’objectif. Pas de verre.
Une image lente, imprécise, capricieuse. Une image qui échappe, comme la fusion elle-même échappe encore à notre maîtrise.

Ce choix n’est pas un effet de style, c’est un parti pris : confronter une technologie primitive à l’un des projets scientifiques les plus complexes jamais entrepris. Produire des images qui laissent place au doute, à l’interprétation, à l’intuition.
Dans ces images brutes et fragiles, ce n’est pas la fusion nucléaire que je cherche à illustrer, mais ce qu’elle charrie en creux : notre désir de puissance, notre peur de l’échec, notre rapport au savoir et au sacré.

Ce travail est une exploration métaphysique.
Une tentative de questionner, par la photographie, ce que signifie « apporter la lumière » dans un monde qui vacille.

Rémi Decoster – Le Bal des Rejetons