Enfant, je prenais souvent le train pour aller voir mon père à Dunkerque. J’habitais à Rennes avec ma mère et mes demi-frère et sœur.
Une fois par mois, assis près de la fenêtre du TGV, je regardais le paysage défiler. Je voyais apparaitre les axes routiers, les zones industrielles, commerciales et les espaces pavillonnaires qui laissaient place à la campagne.
De Massy jusque Marne-la-Vallée, le train roulait à une allure modérée et à travers la fenêtre, un paysage se dessinait fait de friches, de tours d’immeubles compactes serrées contre la voie ferrée et de quartiers pavillonnaires aux jardins bien proprets. L’Ile-de-France.
C’est ce paysage que j’ai voulu documenter dans ce travail, en prenant comme repère le tracé du projet de Voie de desserte Orientale à l’Est de Paris ; Projet avorté d’autoroute pour relier l’A4 à l’A86, le terrain est encore vierge de toute construction à de nombreux endroits, mais avec le développement du Grand Paris, ces parcelles commencent à être exploitées.
Je me suis laissé aller, guidé par mes envies comme lors de mes premières excursions photographiques. J’ai arpenté les deux départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, traversé les communes de Noisy-le-Sec, Champigny, Villiers-sur-Marne, Sucy-en-Brie… Des villes pourtant proches de Paris géographiquement mais dont les noms semblent les en éloigner comme une résonnance ou une promesse de destination au long cours…
J’y ai retrouvé ce que je voyais à travers la fenêtre du TGV, des zones d’entre-deux, entre la campagne et la ville dense.
Des rues vides de piétons, on ne s’y déplace qu’en voiture, les rares marcheurs croisés et pressés n’y flânent guère. Ils se rendent au plus proche arrêt de bus qui les emmènera à la gare RER.
Cet espace est en transformation, la mutation de l’Ile-de-France est en route, éternel recommencement. Le chantier du siècle : le Grand Paris Express permettra de mieux connecter ces villes de grandes et petites couronnes entre elles mais en intensifiera également l’urbanisation et la densification.
En me baladant dans ces villes de la banlieue parisienne, je me suis replongé dans mes heures de voyage et j’ai photographié un paysage en métamorphose. J’ai tenté de faire surgir la poésie et le pittoresque de ces espaces de l’entre-deux, insuffisamment animés, insuffisamment aimés aussi… en invitant le regard à saisir, derrière la banalité pesante des lieux, l’imagination poétique qui œuvre, souvent à notre insu, pour nous transporter au cours d’un voyage, hors de l’ordinaire, vers des terres réinventées…
Voilà pourquoi j’ai figé le panorama que je voyais défilé par la fenêtre du train en priant le spectateur à contempler, dans l’au-delà des friches ou plus encore, dans leur en-deçà, le pittoresque qui ne se découvre qu’à partir du moment où l’on décide d’être en voyage…
SDUF
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